Un film de science-fiction qui n'utilise pas les codes du genre
Bienvenue à Gattaca est un film de science-fiction qui n'utilise pourtant pas les codes du genre : les effets spéciaux, les objets et les décors futuristes, voire extravagants, ne sont pas utilisés.
Un choix qui nous fait prendre conscience de manière plus évidente que ce film n’est finalement pas si utopique que cela et situe alors le film dans une réalité proche, où tout ce que l’on voit est transposable aujourd’hui, des décors jusqu’aux réflexions sur les dangers et les limites de la génétique moderne.
Des décors impersonnels où chacun peut se projeter
L'architecture de la cité, les coiffures et costumes des personnages ainsi que les décors nous transportent dans les années 50-60.
Les voitures électriques aux carrosseries « rétro » (dont une Citroën DS coupé) sont à la fois futuristes par le bruitage qui en fait des voitures manifestement électriques, et actuelles puisque toujours présentes à l’esprit de chacun et conservant une image avant-gardiste.
La cité quant à elle prend place dans l'intemporel Centre municipal du comté de Marin de réalisé par l’architecte américain Frank Lloyd Wright en 1957, qui fut déjà utilisé dans THX 1138 pour son rendu idéal d'un monde aseptisé et lénifiant. Toute en rondeur, nette et lisse, elle illustre un univers et un cadre à la fois familiers et décalés, faits de bâtiments fonctionnels, de longs couloirs, d'immenses espaces impersonnels.
Les lignes droites et les courbes parfaites rappellent la dureté de la main de l'homme et de nombreux éléments visuels rappellent la symbolique de la double hélice de l’ADN, comme l’escalier de forme hélicoïdale de l’appartement de Jérôme.
L’environnement quant à lui est dépouillé de toute végétation et de toute nature, afin d’illustrer un monde où la nature n’a plus sa place et où le monde et la vie sont entièrement façonnés par la main de l’homme.
Le choix de la couleur ocre qui baigne le film
On remarquera tout au long du film, la couleur plutôt jaunie de l'image. Malgré la perfection de Gattaca, la propreté et les mesures prises pour éliminer toute imperfection, cette couleur permanente est un véritable contraste, en opposition avec le film même.
On peut y voir la volonté de montrer que malgré le contrôle matériel des événements, la société n'est pas si "propre" et parfaite qu'elle souhaiterait le démontrer.
Cela appuie également le sentiment d'oppression ressenti tout au long du film, où la pureté, malgré le fait qu'elle soit présente dans les gênes de chacun, ne l'est pas dans l'esprit même de cette société.
Tous ces choix artistiques sont autant d’éléments nous permettant de nous projeter dans ce monde car mis à part quelques détails, tout est transposable et cet effet implique immédiatement le spectateur dans l'histoire où il ne se concentre alors plus que sur le fond et les propos, donnant ainsi plus de poids et d’impact au débat.
Des personnages déshumanisés
Gattaca est peuplée d'êtres anonymes, canalisés, surveillés, contrôlés, qui se croisent, silencieux et indifférents, en simples exécutants dociles des taches sociales.
Les personnages de Gattaca sont représentés de manière totalement déshumanisée et uniformisée. Leurs regards sont inexpressifs, leurs visages impassibles, comme vides de toute émotion, leurs attitudes toujours dans la retenue.
Le choix de l'actrice Uma Thurman au physique et au chignon parfaits et sans le moindre défaut est ainsi un choix judicieux pour illustrer la volonté de perfection dont ont fait preuve ses créateurs, ses parents.
Cette déshumanisation accentue la solitude des personnages qui ne semblent plus liés les uns aux autres sentimentalement : ils sont alors réduits à l’état de produits « commandés » par leurs parents et à leurs seules fonctions utilitaires, où l’individu disparaît totalement au profit de la société.
A la fin du film cependant, pour renforcer le triomphe de Vincent, celui-ci sera représenté aux côtés d'un Asiatique et d'un Noir, afin de rappeler la pluralité de l'espèce humaine et de son génome.
Analyse d’une scène clé du film : lorsque la volonté est plus forte que la génétique
Cette scène se déroule ici durant l'enfance des deux principaux protagonistes. C’est l’une des seules scènes où nous pouvons apercevoir la Nature.
Cette Nature est représentée de manière très mouvementée : le bouillonnement des vagues sur la plage, de l'eau, les drapeaux agités par le vent... tout n'est qu'agitation, flou et désordre, toujours en contraste avec Gattaca, cité lisse et stricte où chaque instant est planifié, où tout est étudié et rien n'est laissé au hasard, rien ne dépasse.
Cependant, lors de son affrontement avec son frère et après la victoire qui s'ensuit, Vincent comprend que malgré les statistiques inscrites dans son sang à la naissance, rien n'est écrit et tout est possible. Il comprend alors que la volonté est la clé de la réussite et que cette volonté est bien plus forte que les gènes que l'on porte en soi.
Une scène qui rappelle ainsi que la génétique ne peut pas déterminer un être, sa personnalité, sa place dans la société et son avenir, car ce serait renier l'individualité et l'âme de chacun, en considérant que l'être n'est finalement qu'une machine programmée par son génome dès la naissance, une vision machiniste à la Descartes.
Bienvenue à Gattaca, un anti Tomorrow's Children ?
Il est important de noter que ce film semble être un étonnant parallèle avec le film Tomorrow's Children, diffusé largement aux Etats-Unis dans les années 30 et ayant pour but de promouvoir l'eugénisme auprès des masses.
Cela expliquerait alors le choix des décors rétro ainsi que l'image vieillie du film. On y retrouve également un parallèle entre les termes "inaptes" et "invalides" notamment.
